En ces temps où les annonces fiscales sont plutôt moroses en matière d’impôt sur le revenu, une bonne nouvelle se pointe à l’horizon pour ce qui est de la TVQ.

En effet, tel qu’il avait été annoncé lors du budget provincial 2015-2016, Revenu Québec procédera à l’élimination progressive des restrictions aux remboursements de taxe sur intrant (« RTI ») pour les grandes entreprises. À des fins de précision, une entreprise est considérée comme une grande entreprise, dans le régime de la TVQ, lorsque le total de ses ventes taxables effectuées au Canada, ainsi que celles réalisées par des sociétés qui lui sont associées, excède 10 millions de dollars par exercice financier.

Ainsi, à compter du 1er janvier 2018, les grandes entreprises pourront récupérer 25 % de la TVQ payée sur les dépenses qu’elles ont engagées et qui sont visées par les restrictions aux RTI prévues à l’article 206.1 de la Loi sur la Taxe de vente du Québec, dont notamment :

  • les véhicules routiers de moins de 3 000 kilogrammes devant être immatriculés en vertu du Code de la sécurité routière pour circuler sur les chemins publics;
  • les biens et les services relatifs aux véhicules mentionnés précédemment et qui sont acquis ou apportés au Québec dans les 12 mois suivant l’acquisition des véhicules ou leur arrivée au Québec;
  • le carburant servant à alimenter de tels véhicules routiers (à l’exclusion du diesel);
  • l’électricité, le gaz, la vapeur et les combustibles (autrement que dans la production de biens mobiliers destinés à la revente);
  • le service de téléphone et les autres services de télécommunication (à l’exclusion des services de type « 1-800 » et des services internet);
  • la nourriture, les boissons et les divertissements dont la déductibilité est limitée en vertu de la Loi sur les impôts à 50 %.

Cette abolition graduelle des restrictions à l’obtention d’un RTI sera échelonnée au cours des quatre prochaines années : le pourcentage de récupération de RTI pour les dépenses énoncées précédemment passera à 50 % le 1er janvier 2019, à 75 % le 1er janvier 2020 et à 100 % le 1er janvier 2021.

Cette mesure apportera son lot de complexités aux entreprises tant au niveau des particularités applicables à certaines dépenses, de la gestion administrative et des pièces justificatives à conserver pour justifier la récupération partielle des RTI.

Voici une liste non exhaustive des particularités et changements qui auront un impact sur le calcul du RTI :

 

Véhicules routiers et voitures de tourisme

Une grande entreprise pourra dorénavant réclamer un RTI lors de l’acquisition et de la location d’un véhicule routier de moins de 3 000 kg selon le taux de récupération prescrit. Toutefois, il est important de noter que les restrictions générales aux RTI continueront de s’appliquer dont notamment, la limite de la valeur de 30 000 $ concernant les voitures de tourisme. En fait, lors de l’acquisition d’une voiture de tourisme, un inscrit ayant le statut de grande entreprise sera toujours limité à un RTI calculé sur une valeur n’excédant pas 30 000 $.

Par exemple, si une grande entreprise acquiert une voiture de tourisme au montant de 50 000 $ le 2 janvier 2018, le RTI auquel elle aura droit sera déterminé selon le calcul suivant :

 

Tableau1

Pour ce qui est d’un véhicule loué, les règles sont différentes. Bien que le contrat de location puisse avoir été conclu avant le 1er janvier 2018, un RTI pourra être demandé pour les versements mensuels visant une période débutant après cette date, le tout sujet à la limite applicable pour la déduction permise dans le calcul du revenu en vertu de la Loi sur les impôts.

Si une grande entreprise loue une voiture de tourisme le 8 juillet 2017 pour une période de 4 ans avec des versements mensuels déductibles aux fins fiscales de 530 $ avant taxes, un RTI sur chaque versement pourra être réclamé selon le calcul suivant :

 

Tableau2

Il est important de préciser que lors d’un échange d’un véhicule par une grande entreprise chez un concessionnaire, la valeur sur laquelle la taxe doit se calculer peut être diminuée lorsque certaines conditions sont remplies. Cette diminution de la valeur correspond au crédit accordé par le fournisseur pour un autre véhicule qu’il accepte en contrepartie totale ou partielle.

Cette règle s’appliquera jusqu’au 31 décembre 2020 dans les circonstances où le véhicule routier donné en échange n’aura donné droit à aucun RTI en raison des restrictions à l’obtention d’un RTI.

Dans le cas où le véhicule échangé chez le concessionnaire par une grande entreprise aura fait l’objet d’un RTI partiel ou total à compter de 2018 sur ce véhicule échangé, cette mesure ne pourra pas être appliquée et la diminution de la valeur ne pourra pas être effectuée par le fournisseur.

Par exemple, si une grande entreprise possède un véhicule d’une valeur de 5 000 $ (pour lequel elle n’a récupéré aucun RTI lors de l’achat original) qu’elle désire échanger, le 31 août 2018, contre un autre véhicule d’une valeur de 25 000 $ avant taxes, les calculs suivants devront être effectués :

 

Tableau3

Il est important de savoir qu’après le 31 décembre 2020, les grandes entreprises seront assujetties aux mêmes règles que les autres inscrits pour ce qui est de l’échange de véhicules, soit que la transaction doit être traitée comme deux fournitures distinctes : la vente du véhicule au concessionnaire par l’inscrit et l’achat du nouveau véhicule par l’inscrit au concessionnaire.

Finalement, les nouvelles mesures prévoient des changements pour les concessionnaires automobiles qui se qualifient de grande entreprise et qui utilisent des véhicules à titre de démonstrateurs ou à une autre fin que celle de revente. Dans ce cas, l’inscrit qui est une grande entreprise doit remettre aux autorités fiscales, à chaque mois pour lequel un véhicule sert à une autre fin, 2,5 % de la TVQ calculée sur la valeur du véhicule. À compter du 1er janvier 2018, l’inscrit devra continuer de verser ce montant de TVQ, mais sera admissible à un RTI à 25 %, 50 % ou 75 % de la TVQ payée, selon l’année visée par la transaction. Cette disposition demeurera valide jusqu’au 31 décembre 2020.

 

Autres biens et services

Relativement aux dépenses de nourriture, boissons et divertissements, une grande entreprise sera admissible à un RTI calculé sur le montant limité de 50 %, tel que prévu aux lois applicables.

Donc, pour une dépense de représentation de 125 $ (avant taxes) engagée le 3 mars 2018, le calcul du RTI admissible sera le suivant :

Tableau4

Nous désirons apporter une précision quant aux groupes de sociétés ayant déposé un choix de considérer comme effectuées sans contrepartie certaines fournitures taxables entre membres déterminés d’un groupe admissible (communément appelé « choix entre personnes étroitement liées »). Ce choix se veut une mesure d’allègement pour les sociétés membres d’un groupe admissible, lesquelles n’ont alors pas à facturer la TPS et la TVQ sur les fournitures effectuées entre elles. Cependant, ce choix n’est pas applicable à l’égard d’un bien ou d’un service acquis par une entreprise qui ne pourrait pas demander un RTI en raison des restrictions aux RTI pour les grandes entreprises. En vertu de l’élimination progressive des restrictions aux RTI, l’acquéreur d’une telle fourniture devra payer la TVQ à son fournisseur et aura droit à un RTI au taux de 25 %, 50 % ou 75 %, selon l’année de la fourniture en question.

Nous vous invitons à nous contacter pour toute question relativement à ce changement important ou si vous désirez vous assurer que votre entreprise récupère les RTI de façon optimale compte tenu de ces nouvelles règles.

Sylvie Therrien, Directrice en taxes à la consommation

Estelle Rancourt, Conseillère sénior en taxes à la consommation

Amyot Gélinas, s.e.n.c.r.l.